December 5, 2025

Vers une médecine recentrée sur l’humain

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L’écran, le patient et moi

Je repense souvent à ces consultations où un patient venait me parler de ce qu’il traversait vraiment : un deuil difficile, un épuisement lié au travail, des difficultés dans ses relations familiales, parfois même des idées noires qu’il n’avait jamais osé confier à quelqu’un.

Dans ces moments-là, j’essayais d’être pleinement présent. D’écouter, de laisser de l’espace, de montrer que ce qu’il disait comptait. Mais il y avait toujours cette contrainte en arrière-plan : ouvrir le dossier, taper, documenter, coder, tracer.

Pas par manque d’empathie, mais parce que c’est devenu une réalité incontournable de notre exercice : ce qui n’est pas écrit n’existe pas. Et cela crée un décalage entre l’attention qu’on souhaite offrir et les obligations administratives qui pèsent sur chaque consultation.

Je me retrouvais souvent à jongler entre l’écran et le patient, avec la sensation désagréable de devoir choisir entre la présence humaine et la conformité administrative.

« Je n’ai pas choisi de faire médecine pour passer ma journée derrière l’ordinateur »

Ce dilemme, il est devenu le quotidien d’une majorité de soignants. L’évolution du système a transformé nos consultations : aujourd’hui, « soigner » ne suffit plus. Il faut aussi produire. Produire des comptes rendus, des courriers, des certificats, des codes, des justificatifs.

Les chiffres sont partout, et il suffit d’ouvrir la porte de n’importe quel hôpital ou centre de santé pour les comprendre : l’épuisement professionnel des soignants, les médecins qui quittent la spécialité ou l’hôpital, les internes en médecine qui renoncent avant même de commencer à exercer, les patients qui sentent bien que quelque chose s’est perdu dans la relation.

J’ai entendu tellement de fois : « Je n’ai pas choisir de faire médecine pour passer ma journée derrière ordinateur. ». J’ai moi-même répété cette phrases plusieurs fois.

Ce n’est pas simplement une plainte. C’est le signe d’un système qui demande aux médecins d’être à la fois cliniciens, secrétaires, codeurs, logisticiens et rédacteurs…jusqu’à étouffer ce qui faisait le cœur du métier.

Ce qui fait vraiment la valeur du soin

Quand un patient en détresse franchit la porte, il ne vient pas pour un code diagnostic.

Il ne vient pas pour une ligne dans un dossier ou pour une catégorie dans un logiciel.

Il vient chercher quelqu’un capable de l’écouter vraiment, de faire le tri dans ce qu’il ressent, de lui renvoyer un regard qui dit : je suis avec vous.

Au fil du temps, j’ai compris que le soin ne se résume ni à un examen clinique, ni à une prescription, ni même à la pertinence d’un raisonnement médical. Le soin, c’est aussi la manière dont on accueille l’autre : le ton de la voix, l’attention qu’on lui porte, la façon dont on laisse de la place à ses mots, et parfois à ses silences. C’est percevoir ce qui se dit explicitement, mais aussi tout ce qui ne se dit pas : une hésitation, un frémissement dans le regard, une phrase étouffée avant d’être prononcée.

Mais cette qualité de présence demande quelque chose de précieux : une disponibilité mentale. Et c’est précisément ce que l’administratif grignote jour après jour...à tel point qu’une partie de notre attention glisse malgré nous vers ce qui doit être écrit, plutôt que vers ce qui est en train d’être vécu en face de nous.

Quand j’étais interne, j’ai passé des dizaines d’heures à taper frénétiquement pendant qu’un patient parlait, de peur d’oublier un élément important. Je me souviens de ces consultations à double vitesse : d’un côté, le patient qui dépose quelque chose de lourd, parfois de très intime, de l’autre, mes doigts qui courent sur le clavier, tentant de suivre le rythme.

C’était un exercice d’équilibriste : maintenir le contact humain tout en remplissant la page. Et cet équilibre, à force de le tenir, finit par user. Par éloigner, petit à petit, de ce qui avait donné envie de faire médecine : être présent, sincèrement présent, pour quelqu’un qui en a besoin.

Le rôle que l’IA pourrait avoir dans le soin

Quand on parle d’IA en santé, on pense souvent à des innovations spectaculaires : diagnostics automatisés, algorithmes prédictifs, optimisation des parcours de soins. C’est intéressant, bien sûr, mais ce n’est pas ce qui transforme réellement notre pratique aujourd’hui.

Le vrai changement est beaucoup plus simple : l’IA peut nous rendre du temps. Pas pour voir plus de patients, mais pour être pleinement présents avec ceux que nous voyons déjà.

Les scribes IA, comme Tandem, allègent cette charge invisible qui pèse sur chaque consultation. Elles écoutent avec nous, organisent les informations, rédigent le compte rendu, codent les actes… bref, elles prennent en charge ce qui nous éloignait de l’échange. L’écran devient un soutien, plus un obstacle.

La technologie est là. La question, maintenant, c’est la manière dont on choisit de l’intégrer. À mes yeux, l’objectif est clair : s’en servir pour remettre la relation humaine au centre du soin. Si l’IA peut nous rendre cette présence, cette écoute et cette disponibilité qui donnent du sens à notre métier, alors elle aura accompli l’essentiel.

Vers une médecine recentrée sur l’humain

On a besoin d’une pratique où l’écran ne s’impose plus entre deux personnes. D’une consultation où le médecin n’est plus obligé de sacrifier sa pause de midi pour rattraper des comptes rendus. D’un exercice où l’administratif ne vient plus écraser ce qui nous a donné envie de faire médecine : être avec les patients, comprendre leurs histoires, les accompagner vraiment.

Une médecine où l’énergie n’est plus absorbée par des tâches répétitives, mais investie là où elle a le plus d’impact : dans la relation. Où le soin ne se fait plus en parallèle du clavier, mais en présence, avec de l’attention et du temps mental disponibles.

Dans cette perspective, le futur est assez simple à imaginer : un médecin qui regarde son patient plutôt que son écran. Une relation humaine qui retrouve sa place au cœur du soin. Une technologie qui prend enfin sur elle la paperasse et la complexité, au lieu de nous détourner du patient.

Une médecine plus fluide, plus respirable, où l’on retrouve du sens, de la disponibilité, et surtout, du plaisir à exercer.

C’est une évolution pragmatique, pas un rêve idéaliste : une organisation du soin où la relation humaine redevient centrale, parce que la technologie a enfin pris sa juste place.

À propos de Anis Khelifi

Anis est médecin généraliste, avec un parcours qui combine pratique clinique, santé mondiale et innovation en santé. Il a réalisé son internat de médecine à Paris tout en se formant à l’innovation en santé et au Value-Based Healthcare. Il a ensuite travaillé en Asie du Sud-Est sur des projets de santé publique et de développement, en collaboration avec des gouvernements, des ONG et des organisations internationales pour renforcer les systèmes de santé. Anis s’est également fortement engagé dans des initiatives auprès de communautés défavorisées en Europe et en Asie, renforçant ainsi son attachement à un accès équitable aux soins. Chez Tandem, il met à profit son expertise clinique, sa perspective internationale et son engagement pour une innovation centrée sur le patient afin de contribuer à concevoir et déployer des solutions qui améliorent la qualité et l’efficacité des soins.

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